Mise à jour le 28 oct. 2024

Responsables du projet : Anne-Claire Husser et Yves Verneuil
Participants : Anne-Claire Husser, Samia Langar, Denis Poizat, Yves Verneuil

Résumé

La place que revêt la laïcité dans le débat public français et le souci dont elle fait l’objet de la part des politiques publiques éducatives témoigne du caractère durablement actuel et sensible de la question des religions à l’école. Sans minimiser les spécificités du contexte hexagonal, les enjeux d’une telle question ne sont cependant nullement spécifiques à la France mais renvoient fondamentalement aux implications du pluralisme convictionnel dont se réclament les sociétés démocratiques libérales contemporaines. Parce qu’ils composent avec des conditions matérielles et idéologiques irréductibles, d’un pays ou d’un territoire à l’autre, les effets de l’adhésion partagée à ce principe pluraliste s’avèrent cependant loin d’être homogènes sur les plans institutionnels et pédagogiques, donnant à voir une diversité de configurations juridiques et curriculaires : formes de régulation contrastées du religieux dans les établissements, nature des relations existant d’une part entre l’enseignement public et les autorités religieuses, et d’autre part de l’État avec les établissements privés religieux, approches variées présidant au déploiement d’un enseignement relatif aux religions lorsque ce dernier existe…
En dépit de l’hétérogénéité des systèmes éducatifs, un certain nombre de problématiques communes peuvent toutefois être identifiées.

En premier lieu, l’école pluraliste se voit confrontée à la difficile question des inégalités résultant des rapports de force inégaux existant dans un contexte donné entre les différents groupes convictionnels.  

En second lieu, elle s’avère nécessairement affectée par la sécularisation, celle-ci étant entendue non comme un processus linéaire de sortie de la religion mais bien plutôt comme une recomposition du religieux (Hervieux-Léger 2010) . L’affaiblissement de l’influence des autorités religieuses traditionnelles sur des pans entiers de la société et une partie des croyants induit par exemple une évolution des missions de l’enseignement privé confessionnel avec une diversification de l’offre scolaire correspondante ; elle a pu aussi justifier l’attribution à l’école d’une mission de reconstitution du « maillon de la culture religieuse » (Debray 2002) devenu manquant après que le catéchisme ait cessé de constituer une transmission sociale ordinaire. La sécularisation n’empêche pas non plus la constitution, sous des formes nouvelles, de groupes d’acteurs religieux en vue de participer, de manière plus ou moins polémique, au déploiement des politiques publiques d’éducation (Raison du Cleuziou 2019). Dans le même temps, l’école démocratique se voit interpellée dans ses missions par le développement de nouveaux mouvements religieux caractérisés par des formes charismatiques et intégralistes de religiosité (Roy 2008).

Enfin, considérer la question des religions à l’école ne peut faire l’impasse sur les conditions de l’advenue du sacré dans la vie familiale et la vie de l’enfant. Il s’agit donc de considérer, au-delà de l’éducation proprement scolaire, le lien existant entre l’enfance et la sacralité et la manière dont il se déploie dans les différents aspects de l’éducation.

Conduite dans une perspective comparative, historique, sociologique et philosophique, la présente recherche rassemble un collectif pluridisciplinaire qui se propose comme objets d’étude :
- les expressions du religieux comme phénomène social avec lequel l’école a affaire et ses modalités de gestion par les acteurs scolaires
- les modalités de déploiement de l’enseignement relatif aux religions, qu’il soit confessionnel ou objectivant  
- l’histoire et les développements contemporains de l’enseignement privé confessionnel
- les systèmes de pensée religieux à l’œuvre dans le paysage scolaire contemporain

A côté de travaux individuels, la recherche prend appui sur le groupe « Religions et identités culturelles en contextes scolaires » du Réseau international francophone de recherche en éducation et formation (REF) ainsi qu’un séminaire scientifique co-organisé par le laboratoire ECP et l’Institut supérieur des religions et de la laïcité (ISERL).

Références

Hervieu-Léger, Danièle (2010). « Sécularisation », dans Dictionnaire des faits religieux, PUF, p. 1151-1158.
Debray, Régis (2002). L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque. Rapport à M. le Ministre de l’Éducation Nationale. Ministère de l’Éducation Nationale.
Raison du Cleuziou Yann (2019), Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous. Seuil.
Roy, Olivier (2008). La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture. Seuil.